ManoMano : Une culture décentralisée de la Qualité
Article 6/7 - Série complète sur la Quality Assistance
Après Atlassian, Netflix et OpenClassrooms, on poursuit notre exploration des modèles de Quality Assistance avec un acteur français emblématique : ManoMano.
L’entreprise a choisi une voie radicale : celle de la décentralisation totale de la qualité.
Chez eux, plus de “phase de test” ni de “service QA”.
Pas de validation finale avant mise en production.
Pas même de “gardien de la qualité”.
Leur conviction ?
👉 “QA should find nothing”, citation d’Uncle Bob devenue un véritable mantra.
Et si la meilleure preuve d’une culture qualité réussie, c’était justement… qu’on n’ait plus besoin de QA ?

Le Jour où le mot "QA" a disparu
Olivier Dennemont, responsable qualité chez ManoMano, prend une décision radicale.
Devant son équipe, il annonce : "Nous ne sommes plus une équipe QA. À partir d'aujourd'hui, nous sommes l'équipe Qraft."
Qraft. Pas "Quality", pas "QA", pas "Test". Qraft.
Q pour Quality. Raft pour Craftsmanship.
Le message est clair et sans équivoque : la qualité ne peut exister sans l'excellence technique. Tester du code médiocre ne créera jamais un produit d'excellence. Il faut agir à la racine, pas à la fin.
Aujourd'hui, je vais vous révéler le modèle le plus radical de Quality Assistance en Europe. ManoMano ne fait pas de la Quality Assistance. ManoMano fait du Quality Management avec une équipe qui fusionne qualité et craftsmanship.
Si Atlassian a progressé en 6 étapes, si OpenClassrooms a anticipé, si Netflix a radicalisé... ManoMano a décentralisé ET culturalisé la qualité comme personne en Europe.
ManoMano en bref
ManoMano, c’est la marketplace européenne du bricolage et du jardinage, fondée en 2013, qui a connu une croissance fulgurante.
Plus de 500 collaborateurs tech, une architecture distribuée, des centaines de micro-services et une ambition claire : livrer vite, bien, et en confiance.
Mais cette croissance rapide a posé un défi :
Comment maintenir un haut niveau de qualité sans créer de dépendance à une équipe QA centralisée ?
La réponse : transformer le rapport à la qualité, en l’intégrant au cœur du quotidien des équipes produit et tech.
La philosophie ManoMano : “QA should find nothing”
Ce mantra, emprunté à Uncle Bob, n’est pas qu’une provocation.
C’est un changement profond de paradigme.
👉 Le rôle du QA n’est plus de “trouver des bugs”, mais de faire en sorte qu’ils ne soient pas introduits.
👉 Le test n’est plus une activité “après coup”, mais un réflexe collectif intégré à chaque étape.
Cette philosophie s’incarne dans la posture du Quality Advisor :
- il coache les équipes plutôt que de valider leurs livraisons ;
- il accompagne les développeurs dans leur montée en compétence sur le test ;
- il inspire une culture de la qualité partagée plutôt qu’imposée.
ManoMano a compris très tôt que la qualité n’est pas un service…
C’est une responsabilité commune, qui s’apprend, se cultive et se partage.
Construire une culture décentralisée
Le passage à une organisation sans QA “traditionnels” ne s’est pas fait du jour au lendemain.
Il a fallu repenser la répartition des rôles, les outils, et surtout les mentalités.
Voici les piliers de cette transformation :
🧩 Disparition progressive du rôle de QA dédié
Les QA existants ont évolué vers des postes de coachs techniques et de Quality Advisors.
Leur mission : former, accompagner, outiller.
🧠 Montée en compétences des développeurs
Les devs ont été formés à :
- l’écriture de tests unitaires et d’intégration,
- la conception pour la testabilité,
- l’analyse des risques et le debug exploratoire.
🔁 Intégration du Technical Coaching
Chaque équipe dispose de coachs craft et qualité qui soutiennent l’amélioration continue, la pair-review et la conception des pipelines CI/CD.
🧪 Pratiques clés
- Pair Testing : dev + coach testent ensemble, en temps réel.
- Exploratory Testing : approche libre, orientée apprentissage.
- 0-Bug Policy : les anomalies sont traitées immédiatement, sans backlog “en attente”.
- Observabilité et monitoring : détection proactive en production.
- Déploiement continu : feedback immédiat des utilisateurs.
“Notre but n’est pas d’avoir moins de bugs, mais d’avoir moins besoin de QA pour s’en rendre compte.”— ManoMano Tech Blog
QRAFT : la synthèse ManoMano

ManoMano a formalisé son approche sous le nom de QRAFT :
Quality + Craftsmanship
L’idée est simple mais puissante :
plus une équipe est maîtresse de son craft, plus elle est responsable de sa qualité.
Quality : la qualité n’est pas une phase, c’est un état d’esprit.
Craft : l’excellence technique soutient la fiabilité du produit.
Autonomy : chaque squad définit, suit et améliore ses propres indicateurs qualité.
En pratique :
- les tests automatisés couvrent toute la pyramide,
- les revues de code incluent des critères qualité,
- les post-mortems deviennent des rituels d’apprentissage collectif,
- les coach QA agissent comme facilitateurs plutôt que validateurs.
Résultat :
Une organisation hautement autonome, capable de livrer à grande vitesse sans sacrifier la stabilité.
Les résultats et enseignements
Les bénéfices sont multiples :
🚀 Plus de vélocité
En supprimant les phases de validation centralisées, ManoMano a réduit son cycle-time et augmenté la fréquence de déploiement.
🤝 Moins de silos
Le fameux “us vs them” entre devs et QA a disparu.
Les équipes produit, dev et craft travaillent ensemble, dans une logique de responsabilité partagée.
🧭 Une maturité qualité accrue
Les développeurs ont acquis un véritable “testing mindset”.
Les bugs détectés en production ont diminué, et les incidents sont traités plus rapidement grâce à l’observabilité.
Comparé à d’autres acteurs :
Organisation | Modèle | Approche | Résultat |
Atlassian | Top-down | QA Coach intégré | Transformation pilotée |
OpenClassrooms | Bottom-up | Responsabilité partagée | Maturité progressive |
ManoMano | Culture-driven | Autonomie décentralisée | Excellence intégrée |
ManoMano pousse donc le concept de Quality Assistance à son stade le plus avancé : la disparition du besoin d’assistance.
Les défis d’une telle approche
Évidemment, tout n’est pas simple.
Décentraliser la qualité, c’est aussi :
- Mesurer l’intangible : difficile d’évaluer le ROI quand il n’y a plus de QA centralisé.
- Garder la cohérence : chaque équipe doit s’aligner sur des standards qualité communs.
- Former en continu : les devs doivent maintenir un haut niveau de compétence test.
- Accompagner le changement culturel : passer du contrôle à la confiance nécessite un vrai travail de leadership.
C’est pourquoi ManoMano s’appuie sur :
- des communautés de pratique
- des coach QA transverses,
- et une gouvernance qualité légère mais structurée.
Les clés du succès selon ManoMano
🧠 Culture > Processus — Une équipe qui comprend la valeur de la qualité n’a pas besoin de règles complexes.
🤝 Confiance > Contrôle — On libère la qualité quand on fait confiance aux équipes.
🎓 Coaching > Validation — Les QA deviennent des mentors, pas des gendarmes.
🔍 Prévention > Détection — On préfère éviter les bugs que les traquer.
⚙️ Autonomie > Centralisation — Chaque équipe devient propriétaire de sa qualité.
A retenir
ManoMano illustre l’aboutissement du modèle Quality Assistance :
une culture où la qualité n’est plus déléguée, mais intégrée dans chaque geste du quotidien.
Ce modèle exigeant repose sur la maturité, la confiance et l’excellence technique.
Mais il offre un bénéfice immense : une organisation résiliente, rapide et apprenante.
ManoMano a prouvé qu'on peut être aussi radical que Netflix... tout en restant en Europe, sans budget infrastructure délirant, et en fusionnant Quality + Craftsmanship de manière unique.
👉 Prochain article : Le modèle de maturité de la Quality Assistance – comment évaluer où en est votre organisation dans cette transformation.
FAQ — ManoMano & la Quality Assistance
Q1. Est-ce que ManoMano n’a plus de QA du tout ?
Non. Le rôle a évolué : les anciens QA sont devenus des Quality Coachs, intégrés à des communautés transverses.
Q2. Comment éviter que chaque équipe fasse “à sa sauce” ?
Grâce à des standards de qualité partagés, des rituels communs (kick-offs, demos, blitz testing) et une gouvernance légère.
Q3. Que faire si les développeurs ne sont pas à l’aise avec les tests ?
Former, accompagner, pratiquer le pair testing et renforcer les compétences via le mentoring technique.
Q4. Quels sont les prérequis pour réussir cette transformation ?
Un sponsorship fort, une culture du feedback, une autonomie progressive, et une mesure claire de la maturité qualité (ex. modèle Dan Buckland / QE Unit).
11. Références
- QE Unit — “Il n’y a plus de Quality Assurance chez ManoMano et OpenClassrooms”
- Medium – ManoMano Tech — “How we set a decentralized QA culture at ManoMano”
Cet article est le 6ème d'une série de 7 publications sur la Quality Assistance. Dans le prochain épisode : Modèle de maturité de la Quality Assistance.